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← articles plus anciens 04 juillet 2018 les petites reines enchantent l’été parisien crédit photo : fabienne rappeneau j’ai vu les petites reines dimanche 30 juin, le jour du fameux match france-argentine, avec mon fils de neuf ans. l’enfant était épouvanté à l’idée de passer à côté de ce rendez-vous sportif, alors je lui ai promis que si le spectacle n’était pas « super », il pourrait toujours filer au café tout proche, pour profiter de l’écran géant. les petites reines raconte comment trois jeunes filles taxées de « boudins » par les garçons de leur collège décident de prendre en main leur destin, et finissent par se sentir libres, apaisées, et pas si moches. ce spectacle dure une heure et demi, et il faut croire qu’il est bel et bien « super », puisqu’en dépit du match de foot riche en coups de théâtre, mon fils n’a pas eu envie de délaisser les acteurs pour aller voir les joueurs en maillot. il faut dire que cette adaptation du roman de clémentine beauvais est admirablement bien pensée par justine heynemann et rachel arditi. sur un rythme endiablé, la pièce va droit au but que se sont donné les jeunes filles : gagner la capitale à vélo (depuis bourg-en-bresse), et régler leurs comptes avec toutes sortes de fantômes symboliques. en outre, à l’horizon des dialogues, qui font mouche, il y a une jolie réflexion sur la beauté et la vérité, qui s’avèrent être les choses les moins figées du monde – nul hasard si la mère de l’héroïne a consacré une thèse à « la philosophie de l’inattendu ». il faut dire aussi que cette aventure pleine d’allégresse et d’intelligence est interprétée par des artistes bluffants : manon combes (l’intello qui mène la danse et séduit son monde bien qu’elle soit officiellement « boudin de bronze ») joue le personnage de mireille sans jamais tomber dans l’écueil de l’adulte qui fait semblant d’être une enfant : elle dit ce qu’elle a à dire, avec l’émotion et l’éclat qui s’imposent… si bien qu’on finit vraiment par voir en elle une jeune fille de seize ans, et par se laisser profondément émouvoir. à ses côté, clara meyer, qu’on adore depuis les misérables qu’avait adaptés jean bellorini du temps où il jouait dans la salle de répétition d’ariane mnouchkine (2010), incarne à la perfection la pré-ado aussi bougonne que touchante. de même, barbara bolotner joue à merveille le « boudin d’or » de la bande. autre grand acteur qui illumine ce spectacle dédié aux grands enfants : sylvain sounier incarne à la fois le père et le beau-père de mireille, mais aussi et surtout le séduisant frère d’hakima, ténébreux et charmant jeune homme, irrésistible avec sa voix de velours, et malgré son fauteuil pour handicapé. enfin pauline jambet déploie sa palette de jeu de façon époustouflante, elle qui interprète aussi bien la mère de mireille, le collégien agressif, et la journaliste caricaturale qui suit le périple des trois boudin. car ici, et les acteurs le savent bien, il est interdit de céder à la moindre facilité : le jeune public est sans concession, exactement comme les personnages de cette très jolie pièce. les petites reines, d’après le roman de clémentine beauvais (éditions sarbacane) ; mise en scène : justine heynemann ; au théâtre tristan bernard (paris 8e) jusqu’au 11 août. publié dans actualité | marqué avec barbara bolotner , clara meyer , justine heynemann , les petites reines , manon combes , pauline jambet , rachel arditi , sylvain sounier , théâtre tristan bernard | laisser un commentaire 16 mai 2018 la comédie de la com’ / un démocrate est de retour ! avez-vous déjà entendu parler d’edward bernays, ce brillant neveu de freud qui inventa, au fil du xxe siècle, la propagande politique et publicitaire ? a vrai dire, on le connait forcément, même malgré nous, puisqu’il a laissé sa trace partout : tyrannie des sondages, omniprésence des publicités qui font semblant d’être des informations, porosité maléfique entre l’actualité telle qu’elle est censée se construire toute seule et l’agenda politique ou marketing qui l’infléchit en permanence… ce cauchemar dont on ne s’aperçoit même plus fut théorisé par eddy bernays (vienne, 1891 ; cambridge, 1995), et julie timmerman a été on ne peut mieux inspirée en portant à la scène son histoire qui éclaire si bien la nôtre. après une création couronnée de succès au théâtre des quartiers d’ivry en 2016, et une reprise flamboyante au festival d’avignon l’été dernier, un démocrate est actuellement à l’affiche au théâtre de la reine blanche (paris 18e), qu’on se le dise. spectacle au titre délicieusement ironique, déconstruit de façon salutaire le grand show qu’est la « communication » lorsqu’elle n’est qu’une stratégie pour manipuler les masses : faire croire que la cigarette rend belle parce qu’une star de cinéma le dit ; faire peur aux gens pour qu’ils oublient de réfléchir ; mettre le féminisme, la liberté et l’idée même de démocratie au service de slogans publicitaires qui transforment le citoyen en pur et simple consommateur (rappelons que l’individu est une « cible » en jargon marketing). un democrate, avec anne cressent, mathieu desfemmes , julie timmerman, jean-baptiste verquin / crédit photo: philippe rocher il fallait cette arme-là, le théâtre, pour rappeler que rien n’en impose aux hommes, que les manipulations humaines. il fallait cette esthétique de jeu distancié pour nous dire que les machineries, si grosses soient-elles, sont faites pour être démontées. on nous en met plein les yeux, la com’ fait sa grande comédie, mais les ressorts sont énormes, spectaculaires, alors autant qu’ils se voient comme un acteur au milieu d’un plateau. proposant cette subtile mise en évidence, un démocrate exploite à merveille les ressources d’un théâtre qui met la réalité en exergue pour faire entendre des idées. julie timmerman ose même un certain didactisme plutôt bienvenu : les notes et archives s’accumulent sur le grand tableau noir qui sert de toile de fond à la pièce, les lumières sont travaillées pour donner du recul au spectateur, et régulièrement ce dernier se trouve pris à parti par les acteurs qui le regardent droit dans les yeux. toute la troupe joue (et très bien), mais la performance est subtilement empreinte de gravité : il s’agit de dépiauter les mises en scènes dangereuses, celles qui sont au service du produit, du business, du mensonge politique au détriment de l’esprit et de l’individu. exemple flagrant développé au centre du spectacle : la façon dont la cigarette a été portée aux nues juste après la première guerre mondiale, notamment pour que les femmes se mettent à fumer et décuplent ainsi le « marché » du tabac. qu’importe si les morts de maladies pulmonaires se sont multipliées au rythme des profits de lucky strike et consorts. plutôt que de nier cette réalité, la com’ habile consista à laisser planer l’incertitude : « rien ne prouve que les cancers viennent de la cigarette » . une rhétorique du doute aussi ravageuse que la culture complotiste, ce leurre qui vous fait croire que vous avez de l’esprit critique alors que vous avez perdu tout contact avec les lumières. comme le rappelle la pièce de julie timmerman, manipuler les esprits, c’est tout simplement savoir « regarder ceux qui regardent ». grâce à un démocrate , « ceux qui regardent » cessent d’être de passifs objets d’observation. ils observent la façon dont on les regarde, et c’est déjà une petite révolution. un démocrate, de julie timmerman, au théâtre de la reine blanche (paris 18e) jusqu’au 23 juin. publié dans actualité | marqué avec anne cressent , freud , jean-baptiste verquin , julie timmerman , mathieu desfemmes , théâtre de la reine blanche , un démocrate | un commentaire 14 mai 2018 kee yoon tout en douceur il y a quelque chose de profondément sympathique dans le nouveau spectacle de kee yoon : une façon d’être sans prétention, qui la rend irrésistible. après son premier stand up intitulé jaune bonbon , où l’ex-avocate évoquait ses origines (coréennes) et son passé professionnel (au barreau de paris), kee yoon s’at